Stellar F3J - réponse française à Grüner Modellbau ?

Le Stellar F5J sort d'une boîte de construction tout bois produite en France

Le Stellar F5J est un motoplaneur conçu par Matthieu Aubert, un constructeur français basé dans les Cévennes.Il y a mis en place une production technique de kits tout bois sous la marque "Ecirtech". Les produits actuellement les plus connus de Ecirtech sont le Bannsperber et le Stellar F5J. Le premier est une reproduction d'un modèle historique de vol libre qui remonte aux années qui ont précédé la seconde guerre mondiale. Sa ligne clairement "vintage" l'exclut clairement de ma zone d'intérêt... Les autres produits actuels de Ecritech sont le Altaïr et le HEXER, deux petits modèles destinés au vol de pente

Une confrontation franco-allemande ?

Le Stellar F5J est nettement plus moderne de conception que le Bannsperber. Son fuselage minimal est juste confortable pour y installer l'équipement typique d'un motoplaneur destiné au pilotage 3 axes. Sa ligne générale et même sa structure rappellent fortement les Introduction et Inside F5J de Grüner... Quand à la structure des ailes, Matthieu opte clairement pour la technique traditionnelle, basée sur un longeron en sapin raidi par un coffrage en "D-box". C'est là que Grüner, le fabricant des kits allemands très populaires qui sont commercialsés par Höllein (voir les Introduction F5J, Inside F5J et autres "Slope Infusion") se montre plus "moderne". Chez l'Allemand, les longerons d'aile sont toujours des tubes de composite carbone qui assurent aisément toute la rigidité requise pour ces ailes aux profils assez minces. On peut espérer que les essais en vol du Stellar F5J confirmeront que la technique classique "tout bois" peut encore rivaliser avec les technologies plus modernes.

Conception classique mais réalisation contemporaine

Matthieu Aubert s'est équipé d'une infrastructure désormais assez classique chez les fabricants de kits : une bonne machine numérique de découpe au laser. Cette technique est ici utilisée pour la préparation de toutes les matières impliquées dans le montage du planeur : du beau balsa de diverses épaisseurs, du contreplaqué peuplier, du contreplaqué "aviation" pour quelques pièces plus critiques, de la plaque de verre-époxy pour les guignols. La qualité de la découpe ne laisse rien à désirer. La découpe présente parfois un très léger défaut de précision (voir photo), dû peut être à un très léger jeu mécanique.

Mode d'emploi sur papier et en ligne

Ecirtech a choisi pour une approche double côté aide au montage du kit. Et tout d'abord un plan à l'échelle 1:1, malheureusement fourni plié. Côté documentation, d'un côté une notice de montage de 80 pages, imprimée en quadrichromie au départ de quelques photos et surtout d'une quantité de vues 3D, chacune brièvement commentée, extraites du logiciel de conception informatisée du planeur et de la découpe de ses composants.  De l'autre côté, un site web où des photos de la plupart des étapes du montage sont présentées. La combinaison de ces deux sources d'information est assez efficace et peut assister même le modéliste le moins expérimenté.

Le fuselage

Comme pour la plupart des projets d'assemblage de kits, le manuel propose de commencer par construire le fuselage. Il est constitué par un assemblage de plusieurs pièces prédécoupées en contreplaque de peuplier. Au delà du bord de fuite, les flancs en CTP 3 mm sont prolongés par des pièces en balsa raccordés au CTP par d'élégantes entures de forme sinusoïdale. Tout l'avant s'articule autour d'un plancher en CTP qui sert pour la partie batterie et moteur, et d'un second plancher qui reçoit les servos des empennages. C'est aussi là que se logera le récepteur. Pour le contrôleur du moteur, l'ai opté pour le positionner sous le plancher avant, de sorte qu'il y bénéficie de sa propre ventilation et n'interfère pas avec la batterie. La poutre arrière est maintenue alignée et bien rectiligne par une pièce en CTP peuplier sur tout le bas. Le haut est quant à lui ajouré et sera simplement recouvert par l'Oracover. L'aile viendra se fixer au fuselage par une unique vis en nylon de 5 mm qui va, au travers de l'aile, retrouver un écrou-grille pris dans une pièce en CTP bouleau solidarisée au fuselage. La dérive viendra trouver place entre les deux flancs de balsa et le stabilo est maintenu sur une petite cage réalisée en CTP et solidement ancrée par tenons et mortaises dans les flancs du fuselage. Deux vis nylon 3 mm en assureront le maintien.

Les ailes

Le profil choisi pour les ailes est tout droit sorti de la série "bubble dancer" de Mark Drela. L'intrados est quasiment plat, ce qui en facilite le montage. La plage de vitesse du AG35 devrait conférer au planeur une bonne capacité d'évoluer par vent modéré. La charge alaire devrait avoisiner les 20 g/dm2. Les ailes sont construite en cinq sections. La partie centrale, d'un seul tenant, est assemblée autour d'un longeron constitué par des semelles en pin 10 x 3 mm et des âmes en CTP. Au centre de ce longeron, on a prévu en renforcement un jonc de carbone de 8 mm de diamètre sur 30 cm de long. Il vient se loger au sein du longeron en pin, créant ainsi une zone hyper rigide, propre à supporter de lourdes charges. Ce panneau central est muni, de part et d'autre du fuselage, d'un généreux volet assemblé à partir de pièces en balsa prédécoupé et de tout un jeu de petites nervures en CTP bouleau 1 mm. L'auteur précise que ce volet n'est pas réellement destiné à modifier la courbure du profil, puisque le choix du profil AG35 lui confère déjà une performance optimale côté vitesse de chute. Il servira surtout d'aérofrein en configuration "crocodile" (ou "butterfly" pour les anglophones), c'est-à-dire en relevant simultanément les ailerons. Les logements pour les servos sont munis d'un plancher en CTP 3 mm qui recevra les vis à bois retenant les  trappes sur lesquelles sont montés les servos eux-mêmes.

Les panneaux latéraux des ailes sont eux-aussi construits autour du longeron à semelles de pin et âmes en balsa. De forme trapézoïdale, ils reçoivent les ailerons assemblés comme les volets. Ils s'assemblent au panneau central par des clés d'acier de 5 mm prises dans des tubes d'alu, selon un dièdre de 2 degrés.

Les bouts d'ailes, quant à eux, sont d'élégants assemblages de nervures montées en mode "géodésique", c'est à dire en emboitement complet et à 45 degrés par rapport au bord de fuite. Le résultat est très léger et confère au planeur une touche bien spécifique. Ils sont solidarisés aux panneaux latéraux par une clé en carbone de 4 mm, selon un dièdre de 2 degrés également. Comme longerons, on ne retrouve dans cette partie que deux petites lattes de pin de section carrée de 2 x 2 mm. Léger, élégant, mais peut être un rien fragile ?

Les empennages

Rien d'original de ce côté. On assemble simplement, à plat, une série de pièces de balsa 6 mm. Les deux demi-volet de la profondeur sont solidarisés par une pièce de bois dur de 6 mm montée entre entures avec les pièces du bord avant du volet.

La propulsion

L'auteur propose le montage d'un moteur XPower F2919. J'ai opté pour le Hacker 20X12 XL réputé fournir une puissance de pointe de 300 W. Cela devrait largement suffire pour une cellule qui ne devrait pas dépasser les 1250 g, soit un bilan puissance/poids de 240 W/kg. J'alimenterai le moteur au travers d'un régulateur Hacker X40 et d'une batterie 3S. La capacité de la batterie sera choisie en fonction du positionnement du centre de gravité. Il y a la place pour un pack allant jusqu'à 2400 mAh. L'auteur propose un hélice en prise directe de 10X5 in. J'ai acquis chez Höllein les pales d'une belle 11X6 créée par le modéliste bulgare Georgi Mirov. Les pales sont montées sur un centre Reisenauer de 39 mm de diamètre, avec cône ventilé et rappel des pales par un O-ring élégamment monté derrière le cône.

La radiocommande

Je reste bien entendu fidèle à ma radio favorite, la FrSky  X9D+ 2019. Pour ce modèle, je choisis à nouveau, comme pour le FXJ-2.5 présenté l'an passé dans ces colonnes, un récepteur en mode ACCESS, le ARCHER GR8 qui fournit de série la fonction variomètre. Le couplage aux servos des ailes se fait par un unique connecteur Multiplex vert 6 broches, installé à demeure dans le fuselage, devant les deux servos des empennages. Ces derniers sont des petits Hitec HS-82MG. Dans les ailes, j'ai monté les MKS DS6100 recommandés par Ecirtech, de beaux servos de 10 mm d'épaisseur, montés aussi en engrenages métalliques.

Silence sur l'installation de l'équipement radio

Matthieu Aubert fait curieusement l'impasse quasi complète sur l'installation de la radiocommande, ce qui peut faire toute la différence entre les mains d'un constructeur peu expérimenté, entre un projet réussi et une machine mal équipée qui vivra éventuellement fort mal. Pas une vue en coupe n'est présentée sur la plan, ce qui serait pourtant fort utile pour l'installation optimale des servos et de leurs tringleries. Les servos des ailes sont destinés à un montage sur les trappes refermant les espaces qui leur sont réservés, mais tout le matériel manque pour le montage proprement dit. J'ai opté pour le collage de blocs de CTP 8 mm sur les trappes, dans lesquels viennent se loger les vis à bois de montage des mécaniques. J'ai hésité entre ce type de montage et l'utilisation de supports de servos "de pointe" comme ceux provenant de servorahmen.de, qui présentent l'avantage de supporter les renvois entre deux paliers montés sur roulements à billes (voir photo). J'en suis resté à la première solution car le montage des supports spécifiques servorahmen m'aurait demandé des modifications plus fondamentales à la structure des ailes. Ce sera pour la prochaine fois...

Recouvrement et finition

Pour le recouvrement, j'ai opté pour des solutions éprouvées : Oracover blanc pour le fuselage et Oracover transparent pour les surfaces.

Centrage

Le constructeur recommande un centrage à 106 mm du bord d'attaque. Sur le modèle complet, j'atteins aisément ce centrage avec une lipo 3S 1450 mAh. L'espace destiné à la batterie permet d'y loger aisément une 3S 2400 mAh, mais cet équipement exigerait l'ajout d'un peu de last à l'extrémité du fuselage.

Masse prêt à voler

Matthieu Auber annonce une masse totale entre 1250 et 1350 g. Le mien sort à 1190 g avec la petite batterie 1450 mAh. Très satisfaisant !

Premiers vols

Une journée qui s'annonce peu venteuse, une température supportable, plus rien ne s'oppose aux premiers essais... Avec l'hélice 11 x 6 et le moteur Hacker 20/12XL, soit une motorisation identique à celle du Inside F5J, je ne m'attends pas à de grosses surprises. La masse est légèrement inférieure pour une envergure légèrement supérieure.

Au terrain, l'assemblage est rapide et aisé. Un vis pour les ailes, deux vis pour le stabilo et quelques bouts de tape transparent pour retenir les panneaux latéraux des ailes en place. Un lancer main révèle que "c'est volable". Donc on bascule l'interrupteur de sécurité pour armer l'interrupteur 3 positions qui commande le moteur. Je lance à mi-puissance et tout se passe bien. Il faut un peu tirer pour amorcer une trajectoire montante.

Moteur coupé à 40 m du sol, le vol plané se présente bien. J'ai cependant la nette impression qu'il est centré trop arrière car il doit en permanence être maintenu à la profondeur. Mais bon, ceci n'est qu'un premier vol, avec le centrage recommandé par Matthieu. Plutôt que de rajuster le centrage avec du plomb, je vais passer pour les prochains vols à une batterie 1800 mAh, qui pèse 40 g de plus que ma 1450 mAh "slim".. Ça m'avancera le centrage de 7 ou 8 mm, ce qui devrait largement suffire. Surtout qu'il y a bien de la place pour optimiser la position de la batterie dans la grande cage qui lui est réservée. J'ai noté que dans son excellente étude du Stellar F5J parue dans Modèle Magazine n°833, Christophe Rocourt a également trouvé opportun d'avancer le CG par rapport à la position conseillée par le constructeur. Il s'agit en fin de compte d'un choix très personnel entre un certain niveau de stabilité longitudinale et une sensibilité optimale qui requiert la plus grande neutralité du modèle. Je fais encore quelques essais de montée à pleine puissance et là, il est clair qu'il y a de la puissance en réserve. Je suis à 100 m en à peine 8 secondes.

Le lendemain, le temps est encore meilleur. Retour au terrain et utilisation de la batterie 1800 mAh. Le centre de gravité est avancé vers 103 mm du BA. Le planeur s'en trouve profondément transformé. Il n'est certes plus "neutre" à la profondeur mais le surcroît de stabilité longitudinale me permet enfin de "sentir" l'air, sans devoir me préoccuper de la stabilité en tangage. Le premier thermique est en vue et je peux immédiatement en tirer parti. Il me reste encore à retoucher la compensation de la profondeur lors de l'ouverture des AF. Là aussi, un bon réglage assure un réel confort... Le surlendemain, un dimanche radieux de printemps, il y a de la place au terrain après 16 h. Cette fois, les thermiques sont partout ! Et le Stellar-F5J y excelle. Il reste à rajuster un peu la symétrie, car les virages à droite sont clairement plus confortables qu'à gauche. Mais ça, ce n'est pas une propriété du planeur, mais de mes réglages...

En vue de la prochaine session de vol, j'ajouterai la commande simultanée des volets et ailerons pour creuser légèrement le profil. Même si l'AG 35 est optimalisé pour la durée, il peut être intéressant d'explorer les effets de la courbure du profil sur l'enroulement des trajectoires en thermique.

Conclusion

Le Stellar F5J a bien rempli ses promesses. C'est un bon planeur qui, avec son profil optimisé pour une vitesse de chute minimale, va s'avérer être un excellent gratteur. La propulsion que j'y ai installée est parfaite. À mi puissance, il monte doucement, mais à pleine puissance, le taux de montée est plus que convainquant. L'altimètre a enregistré un taux de montée de 12.2 m/seconde. En concours de durée F5J, la montée sera aussi performante que celle des planeurs tout-plastique. Bien entendu, son aérodynamique n'atteint pas celle des tout-plastique et avec l'état de surface d'une structure ouverte, il ne faut pas rêver. Je crois que ce sera un agréable planeur, même par vent modéré. L'expérience montrera quelles sont ses limites mais quelques phases de vol rapide ont prouvé qu'il est sain. Le plus intéressant sera la comparaison directe du Stellar F5J avec son cousin germanique, le Inside F5J que j'ai monté il y a déjà quelques années. Celui-là est actuellement en phase de réinstallation de la radio pour y utiliser aussi le matériel FrSky, pour remplacer le matériel Graupner que j'y avais installé initialement. Affaire à suivre.